St Jean de la Croix, un des poèmes mystiques, 1952 environ *

Le Coultre
St Jean de la Croix, un des poèmes mystiques, 1952 environ
Encre 9 x 9 cm

En référence à St Jean de la Croix, voici un poème de ce mystique, choisi par Paul (ou peut-être Andrée) qui fut lu lors des funérailles d’Andrée, le 12 juillet 1986, en l’église St Joseph de la Demi-Lune. Un de ces poèmes nés dans son cachot de Tolède qui rappelle combien il vivait de la vie de Dieu, Père, Fils et Esprit, et le rôle prépondérant de la foi.

CHANTS DE L’ÂME QUI S’EJOUIT DE CONNAÎTRE DIEU EN FOI

Bien sais-je la source qui jaillit et fuit,
Mais c’est de nuit !

Cette source éternelle bien est celée
Et pourtant sa demeure je l’ai trouvée,
Mais c’est de nuit !

En l’obscure nuit de cet exil mauvais
La source fraîche, par la foi, bien la sais,
Mais c’est de nuit !

Ne sais son origine, car n’en a mie, [Père]
Mais que toute origine d’elle est jaillie,
Mais c’est de nuit !

Bien sais que ne peut être chose si belle
Et sais que ciel et terre s’abreuvent en elle,
Mais c’est de nuit !

Bien sais que de fond jamais on n’y trouva
Et que nul à gué oncques ne la passa,
Mais c’est de nuit !

Que nul voile à sa clarté ne fut connu
Et que toute lumière d’elle est venue,
Mais c’est de nuit !

Bien sais que si riches roulent ses courants
Qu’enfers et ciels et mondes ils vont arrosant,
Mais c’est de nuit !

Et le courant de cette source naissant [Fils]
Bien sais qu’il est aussi riche et tout puissant,
Mais c’est de nuit !

Et si le courant qui des deux autres procède [Esprit]
Bien sais que nul des autres ne le précède
Mais c’est de nuit !

Bien sais que les Trois en une seule eau vive
Résident et que l’un de l’autre dérive,
Mais c’est de nuit !

Cette source éternelle bien est blottie
Au pain vivant afin de nous donner vie,
Mais c’est de nuit !

Elle est là criant vers toute créature
Qui de cette eau s’abreuve mais à l’obscur,
Car c’est de nuit !

Cette source vive à qui tant me convie
Mon désir, je la vois en ce pain de vie,
Mais c’est de nuit !

(Les poèmes mystiques de St Jean de la Croix, traduits par Lucien-Marie de St Joseph, Desclée de Brouwer, 1947,modernisation de la traduction du carme Cyprien de la Nativité (XVIIe s.)